En ce mercredi 16 décembre 2020, le monde éducatif est en ébullition. L’annonce faite la veille par Jean Castex sur Europe 1 provoque un véritable séisme dans les établissements scolaires et les foyers français. Les parents ont désormais la possibilité de garder leurs enfants à la maison les jeudi 17 et vendredi 18 décembre, soit juste avant les vacances de Noël, pour s’auto-confiner en prévision des fêtes. Cette décision, qui rend l’école facultative à quelques jours des vacances, suscite incompréhension et colère dans la communauté éducative.
La mesure controversée qui divise parents et enseignants
La recommandation émane initialement du Conseil scientifique, qui a suggéré dans sa note d’éclairage du 14 décembre un « auto-confinement » préventif d’une semaine avant les festivités. L’objectif affiché est de limiter les risques de contamination lors des repas de fêtes, particulièrement pour les personnes vulnérables. Par contre, la mise en application de cette recommandation pose question.
Avec mon expérience de mère engagée dans l’association de parents d’élèves de mon quartier, j’observe une vraie fracture dans les réactions. Certaines familles saluent cette souplesse qui leur permet de protéger leurs aînés, tandis que d’autres s’inquiètent du message envoyé sur l’importance de l’école.
La FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Élèves) n’a pas tardé à réagir, qualifiant cette mesure d' »inaudible et inadaptée ». Dans un courrier adressé au Premier ministre le 16 décembre, l’organisation dénonce une « désorganisation scolaire » préjudiciable.
Le tableau ci-dessous résume les positions des différents acteurs face à cette mesure :
Acteur | Position | Arguments principaux |
---|---|---|
Gouvernement | Favorable | Protection sanitaire, prévention avant les fêtes |
FCPE | Opposée | École non facultative, inégalités accrues |
Enseignants | Majoritairement opposés | Désorganisation, message contradictoire |
Parents | Divisés | Entre protection sanitaire et continuité pédagogique |
Les contradictions qui fragilisent la confiance
Ce qui frappe dans cette décision, c’est son caractère contradictoire avec le discours tenu jusqu’alors. Depuis septembre 2020, Jean-Michel Blanquer affirme que les écoles ne sont pas des lieux majeurs de contamination. Cette position a justifié le maintien de l’ouverture des établissements lors du second confinement, contrairement à nos voisins européens.
Alors pourquoi soudainement considérer que les enfants représentent un risque pour leurs proches vulnérables durant les fêtes? Cette incohérence nourrit la défiance envers les autorités.
Lors des réunions avec les équipes pédagogiques des écoles de mes enfants, j’entends régulièrement cette préoccupation. Les enseignants se sentent décrédibilisés quand l’école devient optionnelle du jour au lendemain, après des mois à insister sur son caractère essentiel et sécurisé.
Les principales contradictions relevées sont :
- Affirmer que les écoles ne sont pas des clusters puis suggérer un auto-confinement des élèves
- Insister sur la continuité pédagogique puis rendre l’école facultative
- Défendre l’importance de chaque heure de cours puis en sacrifier certaines
- Lutter contre les inégalités scolaires puis prendre une mesure qui les accentue
Une gestion improvisée au détriment de l’école
Ce qui ressort des discussions entre parents, c’est l’impression d’une gestion au jour le jour sans véritable stratégie. L’annonce tardive, à quatre jours des vacances, témoigne d’un manque d’anticipation préjudiciable pour les familles comme pour les équipes éducatives.
Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE, a pointé du doigt cette responsabilité transférée aux parents : « L’école n’est pas à la carte, ce n’est pas aux parents de décider s’il y a un risque ou non. » Une position que je partage pleinement après 12 années passées dans l’enseignement.
Au lieu de cette mesure improvisée, de nombreux parents et enseignants auraient préféré un renforcement effectif du protocole sanitaire. Les classes surchargées, le renouvellement insuffisant des masques et les difficultés d’application des gestes barrières restent des problèmes de fond non résolus.
Les alternatives qui auraient pu être envisagées sont nombreuses :
- Renforcer les mesures sanitaires dans les établissements
- Organiser des rotations d’élèves pour réduire les effectifs
- Déployer davantage de tests en milieu scolaire
- Investir dans des purificateurs d’air pour les salles de classe
- Former plus efficacement les élèves aux gestes barrières
Vers une école plus résiliente
Cette crise sanitaire révèle un besoin urgent de repenser notre relation à l’école. Quand j’échange avec d’autres parents lors des cafés-débats que nous organisons, je constate que la notion d’école buissonnière prend un tout autre sens en période de pandémie.
L’école doit rester ce lieu fondamental d’apprentissage et de socialisation. Mais pour cela, elle a besoin d’investissements concrets pour faire face aux défis sanitaires. Les millions évoqués pour d’autres projets gouvernementaux pourraient utilement servir à adapter nos établissements à cette nouvelle réalité.
L’avenir de nos enfants mérite mieux que des mesures improvisées qui transforment l’école en variable d’ajustement. Notre système éducatif a besoin d’une vision claire et de moyens adéquats pour traverser cette crise tout en préservant sa mission essentielle.
À l’approche de 2021, souhaitons que l’école retrouve sa place prioritaire dans les politiques publiques, car l’éducation ne saurait être facultative, même en temps de crise.