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Mesure conservatoire au collège et lycée : procédures disciplinaires et contestation possible

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Marie TEXIER

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Face à un incident disciplinaire au collège ou au lycée, le chef d’établissement peut prononcer une mesure conservatoire à l’encontre d’un élève. Cette procédure d’urgence, souvent méconnue des familles, permet …

Mesure conservatoire au collège et lycée : procédures disciplinaires et contestation possible

Face à un incident disciplinaire au collège ou au lycée, le chef d’établissement peut prononcer une mesure conservatoire à l’encontre d’un élève. Cette procédure d’urgence, souvent méconnue des familles, permet d’interdire temporairement l’accès à l’établissement scolaire en attendant une décision disciplinaire définitive. Ayant accompagné plusieurs parents dans ces situations délicates, je constate régulièrement la confusion entourant cette mesure exceptionnelle. En 2023, plus de 1 500 recours administratifs ont été déposés contre des mesures conservatoires jugées abusives. Pour éviter les malentendus, il est essentiel de comprendre que cette disposition, strictement encadrée par la loi, ne constitue pas une sanction en soi et doit respecter des conditions précises.

La procédure disciplinaire : cadre légal et conditions d’application d’une mesure conservatoire

Définition et fondement juridique

La mesure conservatoire en milieu scolaire représente une disposition temporaire permettant au chef d’établissement d’éloigner provisoirement un élève dans l’attente de sa comparution devant le conseil de discipline. Son cadre juridique repose principalement sur deux textes : l’article D.511-33 du Code de l’éducation pour les procédures relevant du conseil de discipline, et l’article R.421-10-1 concernant les procédures engagées par le chef d’établissement seul. La circulaire n°2014-059 du 27 mai 2014 vient préciser les modalités d’application de ces dispositions.

Contrairement aux idées reçues, cette mesure ne préjuge pas de la décision finale qui sera prise lors de la procédure disciplinaire. Elle vise uniquement à préserver l’ordre dans l’établissement pendant cette période transitoire. Son caractère exceptionnel implique qu’elle ne peut être systématiquement appliquée à chaque incident disciplinaire.

Conditions préalables obligatoires

Pour qu’une mesure conservatoire soit légalement valable, deux conditions cumulatives doivent impérativement être remplies :

  • Une procédure disciplinaire doit avoir été préalablement engagée, avec envoi effectif des convocations
  • La mesure doit répondre à une nécessité avérée de garantir l’ordre au sein de l’établissement
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Cette seconde condition signifie que la présence continue de l’élève représente un risque réel pour la communauté éducative ou pour lui-même. Ces situations concernent généralement des actes de violence grave, des menaces sérieuses, des comportements dangereux ou des faits susceptibles de perturber significativement le fonctionnement de l’établissement.

L’absence de l’une de ces conditions rend la mesure conservatoire illégale et contestable. J’ai récemment accompagné une famille dont l’enfant avait été écarté sans que la procédure disciplinaire n’ait été formellement engagée – une irrégularité qui a conduit à l’annulation de la mesure.

Procédure de mise en œuvre

L’application d’une mesure conservatoire suit un protocole précis :

  1. Notification écrite obligatoire (envoi recommandé ou remise en main propre contre signature)
  2. Indication précise des dates de début et de fin de la mesure
  3. Remise de l’élève mineur à ses représentants légaux
  4. Organisation de la continuité pédagogique durant cette période

Lorsque la mesure est prise par le chef d’établissement seul, sa durée est strictement limitée à 3 jours ouvrables. Cette limitation temporelle constitue une garantie essentielle contre les abus potentiels et permet d’assurer que l’élève ne sera pas privé de son droit à l’éducation pendant une période excessive.

Différence entre punitions, sanctions et mesures conservatoires

Il est fondamental de distinguer trois niveaux d’intervention disciplinaire dans le système éducatif :

  • Les punitions scolaires : réponses immédiates aux manquements mineurs, données par tous les membres de la communauté éducative
  • Les sanctions disciplinaires : mesures formelles pour des manquements graves ou répétés, prononcées par le chef d’établissement ou le conseil de discipline
  • Les mesures conservatoires : dispositions temporaires d’urgence, prises dans l’attente d’une décision disciplinaire définitive
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L’échelle légale des sanctions prévue par le Code de l’éducation comprend :

  1. L’avertissement
  2. Le blâme
  3. La mesure de responsabilisation
  4. L’exclusion temporaire de la classe (maximum 8 jours)
  5. L’exclusion temporaire de l’établissement ou d’un service annexe (maximum 8 jours)
  6. L’exclusion définitive de l’établissement ou d’un service annexe

Seule l’exclusion définitive relève exclusivement de la compétence du conseil de discipline, les autres sanctions pouvant être prononcées par le chef d’établissement.

Cas particuliers et jurisprudence

Certaines situations complexifient l’application des mesures disciplinaires. Lorsque des poursuites pénales sont engagées parallèlement, le chef d’établissement peut suspendre la procédure disciplinaire dans l’attente de la décision judiciaire. Dans ce cas, la mesure conservatoire doit s’accompagner de dispositifs garantissant la continuité pédagogique, comme l’inscription temporaire au CNED ou l’accueil dans un autre établissement.

La jurisprudence administrative a clarifié plusieurs points essentiels :

  • Un élève ne peut être interdit d’accès à titre conservatoire sans procédure disciplinaire préalablement engagée
  • La simple convocation au conseil de discipline constitue l’engagement de la procédure
  • La mesure conservatoire doit être proportionnée et motivée par des faits précis

En février 2024, le Tribunal Administratif de Lyon a ainsi annulé une mesure conservatoire prise sans justification suffisante du trouble à l’ordre de l’établissement, rappelant que le simple fait reproché ne suffit pas à légitimer automatiquement cette mesure d’exception.

Voies de recours et contestation

Face à une mesure conservatoire contestable, plusieurs recours s’offrent aux familles :

  • Le recours gracieux auprès du chef d’établissement
  • Le recours hiérarchique auprès de l’autorité académique
  • La saisine du Directeur Académique des Services de l’Éducation Nationale (DASEN)
  • Le recours contentieux devant le tribunal administratif
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Pour contester efficacement, les parents doivent agir rapidement et précisément. Un courrier argumenté doit être adressé au chef d’établissement, mettant en évidence l’absence des conditions légales requises pour l’application de la mesure conservatoire. Parallèlement, il est judicieux d’alerter les services académiques qui peuvent intervenir pour rappeler la réglementation à l’établissement.

Ces démarches doivent être entreprises dans le respect du principe du contradictoire, essentiel dans toute procédure disciplinaire. Les délais de recours varient selon le type de contestation : deux mois pour les recours administratifs classiques, mais seulement huit jours pour contester une décision du conseil de discipline auprès du recteur.

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